Parmi les objets rares exposés au MALP, une flûte retient l’attention. En parfait état de conservation, l’instrument a toutefois posé une énigme aux archéologues. Comment en jouait-on ?
Délicatement suspendue dans sa vitrine, elle semble avoir toujours été là. Difficile d’imaginer que cette légère flûte à trois trous a passé mille ans sous l’eau avant d’être exposée au musée.
Comme nombre de ses pareilles du Moyen Age, elle a été taillée dans un os d’oiseau long et fin, probablement de vautour. Ces os creux, fins et réguliers sont tout adaptés à la confection d’instruments à vent. Mais fait rare : la flûte de Colletière est quasi intacte, sauf son bloc (une partie de l’embouchure), qui a disparu. Les traces relevées sur l’instrument révèlent qu’il a été taillé et gratté au couteau. Les trois trous servant à modifier la hauteur des notes sont espacés de la largeur d’un doigt.
Énigme archéologique
Quand ils l’eurent nettoyée, séchée, imprégnée d’un produit de conservation, les archéologues tentèrent naturellement de souffler dans la flûte. Mais à leur grande déception, l’absence de bloc empêchait la production du son. C’est un spécialiste de musique médiévale, Jeff Barbe, qui eut l’idée de la jouer en traversière, en bouchant d’un doigt l’extrémité et en soufflant dans la lumière, le trou carré près de l’embouchure. Miracle ! « La flûte joua une musique cristalline et mélodieuse, raconte un ancien fouilleur du chantier, Éric Pessarelli. Tous les fouilleurs, subjugués, cessèrent leur travail. L’instrument s’était réveillé après mille ans de silence. » Comme si les paysans cavaliers de l’an Mil étaient de retour pour une fête.
Droite ou traversière ?
Malgré ce succès musical, les archéologues sont formels : la flûte de Colletière n’est pas une flûte traversière, qui comporterait plus de trous et une embouchure différente. Celle-ci devait se jouer devant comme un flageolet, d’une seule main, laissant l’autre libre de jouer du tambourin ou d’une autre percussion. Jeff Barbe a reconstitué les doigtés pour jouer deux octaves. Le spécialiste, également facteur de flûte, a fabriqué un fac-similé de l’instrument que l’on peut voir dans des expositions temporaires ici ou là. Mais l’original ne quitte pas sa vitrine du MALP, tout près des rives qui l’ont entendu jouer il y a mille ans.